CARNETS D'HIVER | ACE TEE

Redigé par : Quartz Co.

Une conversation avec Elise Legault
Crédit photo : Janick Zebrowski

Ace Tee est l'artiste germano-ghanéenne dont le flow fluide et l'esthétique éclectique ont secoué Internet en 2017, lorsque son single « Bist du down? » a accumulé des millions de vues sur YouTube et suscité l'intérêt à travers le monde. Salué pour son flow digne de TLC et son style inspiré par Missy Elliott, ce titre incarne alors pour beaucoup la renaissance de la R&B des années 90 en Allemagne. Pour Tarin Wilda, cependant, alors âgée de vingt-trois ans, Ace Tee n'était qu'un projet parallèle à sa formation de coiffeuse auprès de sa mère. Durant l'hiver 2017, cette perspective change : une carrière musicale, comme celles des artistes qu’elle admirait sur MTV, ne lui semble plus si inaccessible. La chanson et son clip, qu’elle a elle-même réalisé, reflètent l’esprit libre d'Ace Tee – une artiste prête à tracer son propre chemin. Suite au succès de son premier single, Ace Tee a fait la première partie de Future, lancé un gloss avec Manhattan Cosmetics et même collaboré avec H&M sur une collection signature. Bien que ses débuts soient prometteurs, Ace Tee est la première à admettre que réussir et se maintenir au sommet n’est pas chose facile. Actuellement en tournée avec Cro, un autre artiste allemand, la chanteuse se concentre sur la production de nouveaux titres et vise les États-Unis d'ici l’année prochaine. Elle a récemment pris une pause de sa vie de tournée pour nous offrir une perspective authentique sur la manière dont l’hiver est pour elle un moment de création, et pour partager pleinement sa philosophie de « Sip slow 

Hey Tee, comment avez-vous eu la passion de la musique?

Il y a toujours eu de la musique chez nous. D'aussi loin que je me souvienne, mon père faisait constamment jouer des cassettes. On écoutait beaucoup de rap, de musique africaine et ghanéenne, et puis Michael Jackson et Prince… J'allais également à l’église tous les dimanches, et cela a beaucoup compté. Je me souviens que je dansais souvent – bouger et chanter en musique faisait vraiment partie intégrante de mon enfance.

Où avez-vous grandi?

J’ai grandi à Jenfeld, un quartier de Hambourg en Allemagne. Les rappeurs de rue décriraient Jenfeld comme un ghetto ou un quartier à faible revenu. Je n’y vis plus, mais je ressens toujours des ondes positives quand j’y pense. On n’avait pas beaucoup d’argent, mais on était une bande de gamins issus des quatre coins du monde, et on ne se souciait ni des marques, ni de race ou de religion. C’était le bon temps. La communauté ghanéenne est très présente en Allemagne – il semble que tout le monde ait un membre de la famille quelque part qui puisse raconter à ta mère ce que tu faisais dans les rues quand tu étais ado.

Comment décririez-vous l'hiver en Allemagne?

Je dirais...Froid? (rires) À Hambourg, il plane toujours une humidité glaciale – il ne neige presque jamais. Il y a juste beaucoup de vent à cause de l’Elbe… Hambourg n’est pas connu pour ses hivers enneigés et il n’y a pas de montagnes dans les environs, donc je n’ai jamais fait de sports d’hiver ni quoi que ce soit de ce genre. Mais côté mode, l’hiver est toujours une bonne période je trouve: bonnets, écharpes, gants, beaucoup d’accessoires et bien sûr de beaux manteaux ! J’aime l’hiver pour ça. Ça sonne bête, non ?!

D'enfant à artiste professionelle, votre relation à l'hiver a-t-elle changé?

Bien sûr! Maintenant c'est moi qui achète les cadeaux de Noël, et non ma mère (rires)! Mais oui, je suis née en Allemagne, l'hiver a donc toujours fait partie de ma vie. Pas de celle de mes parents cela dit. C'est étrange quand j'y pense...

L'hiver est-il une période créative pour vous?

Oui, et moins chaotique. On peut détendre son esprit et être créatif. Pas besoin non plus de sortir, et ça, j’aime beaucoup. "Sip slow" est mon mode de vie – ça signifie de prendre simplement le temps de ralentir et de réfléchir aux choses. L’hiver est toujours la période de l’année pour se calmer. L’été m’inspire plus, mais l’hiver me permet de filtrer tout ça.

Quel est le contexte parfait pour votre créativité et l'écriture de votre musique?

Quand j'écoute des beats dans le train, en voiture ou sur la route, je freestyle ou je chante des mélodies. Si quelque chose colle, ça reste avec moi. J’aime aussi l’ambiance d'un studio de musique. Peu importe le studio, tant que l’éclairage est bon. La plupart du temps, un studio me donne l’énergie dont j’ai besoin pour créer. Je n’écris pas toujours mes morceaux, mais quand je le fais, c’est souvent la nuit, quand tous les tracas de la journée sont derrière moi et que je n’ai pas mon téléphone – pas de WhatsApp ni d’Instagram. C’est comme ça que mes chansons prennent vie.

Quelles sont quelques-unes de vos inspirations musicales du moment?

En ce moment, j’écoute juste des beats, encore et encore. Mais j’aime bien le mumble rap qui vient d’Atlanta… Ça donne l’impression que tout est facile – j’aime ça. J'aime aussi des artistes du Royaume-Uni, comme Skepta, et bien sûr Wizkid du Nigeria. Il y a tellement de choses… mais quand je voyage en train, j’écoute surtout des beats.

Comment voyez-vous la scène du rap allemand évoluer?

Le rap est le genre le plus important de l'industrie musicale en Allemagne … Des artistes comme 187 Strassenbande deviennent platine à chaque sortie d'album. C’est fou ! Le seul problème avec la scène, c’est que les rappeurs allemands n'ont pas vraiment trouvé leur propre son. En ce moment par exemple, ils sont tous à fond sur l’Afro Trap. Ils n’ont pas vraiment affirmé leur identité musicale comme l’ont fait les rappeurs britanniques ou français.

À quoi ressemble une journée dans la vie d'Ace Tee?

Je n'ai pas vraiment de routine quotidienne. J’ai tellement de réunions, de tournées et de concerts. Quand j’ai du temps, j’essaie d’être en studio pour faire de la musique – ça, c’est sûr. En 2018, pas une seule journée ne ressemblait à une autre. J’ai mon propre appartement à Hambourg mais quand je suis en ville, je reste chez ma mère la plupart du temps. C’est un peu difficile pour moi d’être seule après une tournée. On passe de la présence constante de gens à la solitude complète. C’est une sensation étrange, alors j’aime être avec ma famille. Si ma carrière marche, je veux acheter une maison pour ma mère, ma sœur et moi. Je travaille dur pour y arriver.

Qu'anticipes-tu le plus des mois à venir ?

Il se pourrait que je m'envole vers le Ghana pour jouer dans un festival. Ce serait incroyable ! À part ça, j'ai partagé à ma famille et à mon équipe mon désir de ne faire que de la musique et de passer plus de temps au calme en studio. J'espère que ça se réalisera… Et pour ceux qui attendent mes nouveaux morceaux, sachez que j’y travaille fort! Ce n’est pas quelque chose qui me vient facilement. C’est un processus spirituel que j'apprends encore à dompter, mais la musique est la clé.

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