CARNETS D'HIVER | MAX MACKEE

Redigé par : Quartz Co.

Entrevue réalisée par Elise Legault
Crédit photo: Xavier Tera

Max Mackee est né au Japon et a passé sa jeunesse dans certaines des plus grandes villes du monde – Tokyo, Paris, Londres. À l'âge adulte, il devient avocat et DJ – un style de vie qui le fait voyager des salles de réunion aux pistes de danse. Il a finalement quitté le droit et est revenu au Japon, avec un MBA en poche. Alors que sa carrière passée était empreinte de dissonance, Mackee envisage une vie qui réconcilie les affaires et la créativité, en y apportant une dose d’innovation.

Mackee est l’un des membres fondateurs d’Origami, une plate-forme de paiement mobile basée sur les code-barres de type QR. Depuis 2012, il travaille à introduire les transactions sans argent comptant dans les habitudes des consommateurs japonais – ce qui n’est pas une mince affaire si l’on considère la forte mentalité du pays soit « Cash is King ». Cependant, sa vision n’est pas seulement de changer la culture de la trésorerie au Japon, mais également d’innover dans son environnement de travail.

Aujourd'hui, il est peut-être occupé à redéfinir l'avenir du shopping mais il s’adonne également à des conférences, continue de revigorer les pistes de danse et trouve le temps de dévaler les pentes dans l'arrière-pays. Nous nous sommes entretenus avec l'entrepreneur alors qu'il se préparait pour un week-end de détente dans son chalet situé à flanc de montagne, dans la banlieue de Tokyo.

Vous êtes un DJ, un amoureux de la nature et un entrepreneur, considérez-vous ces versions comme trois versions distinctes de vous-même ou avez-vous l’impression qu’elles se combinent toutes?

À l'époque où j'étais avocat, je pensais que je jonglais entre mes personnalités. J’étais avocat la semaine et DJ le week-end. C’était deux mondes distincts qui ne se croisaient pas du tout. Maintenant, c’est bien plus un continuum. Avec le lancement d’une start-up, mes expériences de DJ, en gestion de labels et marketing se sont fusionnées. Je fais aussi de la consultation pour des marques de mode – il s’agit d’opportunités d’affaires et de relations créatives que j’ai développées au fil de ma période de DJ. Je vois donc cela plus comme un amalgame, la continuité de mon parcours.

Comment êtes-vous entré dans le secteur des startups? Cherchiez-vous ce type d'expérience ou est-ce que cela vous est tombé dessus?

Je savais que je voulais sortir du droit après 8 ans de pratique, alors j'ai convaincu mon cabinet de m'envoyer en école de commerce. Ensuite, je suis retourné au Japon et j'ai rencontré Yoshiki, qui venait tout juste de commencer Origami. Il m'a demandé de faire partie de l'équipe fondatrice. Je ne savais pas vraiment ce que je voulais faire, mais la vie de startups m'intéressait… Elles nous donnent la liberté de faire quelque chose de créatif en terme de modèle d'entreprise et de culture – sans avoir à respecter les vieux paradigmes. Dans la mesure où vous développez réellement une start-up où la culture de travail est différente, vous avez la possibilité d'aider la société à évoluer.

Comment ça se passe jusqu’à présent? Avez-vous été témoin d'une évolution sociétale ?

Pas encore… (rires) La société doit devenir beaucoup plus grande et avoir plus de succès pour avoir un impact sur la société japonaise. Nous avons encore un long chemin à faire. Espérons que dans 3 ou 4 ans, nous pourrons dire que nous avons essayé de nouvelles choses et que nos pratiques de travail se seront répandues dans le reste du monde. Cela dit, la vague des startups au Japon a certainement contribué à remodeler certaines cultures de travail que nous avons enracinées depuis bien longtemps.

En parlant de culture, comment la météo est-elle perçue culturellement au Japon?

Je pense que les Japonais se sentent très chanceux. Je me plaignais beaucoup de la météo au Royaume-Uni parce que (selon moi) c'est affreux là-bas. Lors de ma première année de retour au Japon, je souriais beaucoup grâce à la nourriture, mais aussi parce que le temps est agréable tout au long de l'année. Les étés sont chauds, un peu trop chauds… Mais à l'automne il fait bon. Le printemps est aussi une saison magnifique avec ses milliers de fleurs de cerisier. Et puis, les hivers peuvent être froids et enneigés dans certaines régions du Japon, mais généralement c’est très ensoleillé. Les Japonais sont très liés aux saisons. Par exemple, certains types d’aliments, principalement les poissons, sont spécifiques à une saison. Globalement, je dirais que les gens apprécient beaucoup la météo.

Ressentez-vous cela aussi en vous?

Oui. Absolument. J’apprécie chaque saison et j’attends particulièrement l’hiver.

Qu'aimez-vous de l’hiver?

J'aime être à la montagne et faire de la planche à neige dans l'arrière-pays. Depuis mon retour au Japon il y a dix ans, je m’y suis vraiment consacré et j'ai passé beaucoup de temps sur les pistes. J’ai la chance d’avoir un endroit dans les montagnes où je peux sortir de la frénésie de Tokyo. C’est pour moi, une forme de méditation et c’est quelque chose que j’attends avec impatience toute l’année.

Qu'est-ce qui crée cet espace méditatif selon vous?

La nature est un environnement si spécial… Que ce soit en termes de guérison ou de clarification de l’esprit, j’ai besoin de la nature. À l’époque, quand je faisais de la musique, j’étais vraiment dans l’enregistrement sur le terrain et j’utilisais les sons de la nature dans mes compositions. J'aime écouter toutes sortes de musiques, mais rien n’est plus beau que les sons de la nature. J'ai passé beaucoup de temps dans les montagnes, au Népal et dans toutes sortes d'endroits, parce que je trouvais les sons incroyables. Dans l’arrière-pays, on découvre ce qu'est le vrai silence. La neige isole le bruit et tout ce que vous pouvez vraiment entendre sont vos pas dans la neige. C’est tout simplement incroyable. Si vous ne pouvez pas entrer dans un état méditatif dans cet environnement, il vous sera difficile d'entrer dans cet état, où que vous soyez.

Parlez-nous de votre chalet dans les montagnes.

C’est une maison dans les montagnes de Minakami, où tout ce que l’on peut entendre est le bruit du ruisseau – il n’y a pas de sonorités artificielles. Il y a des ours et des singes qui s’y promènent. J'essaie d'y aller une ou deux fois par mois. C’est à seulement deux heures de Tokyo, l’une des plus grandes villes du monde et tout ce qu’on y entend provient de la nature. C’est incroyable ! C’est l’environnement idéal pour se détendre et méditer, ou simplement pour se concentrer sur les choses fondamentales de la vie.

Vous souvenez-vous du moment où vous en êtes tombé amoureux?

Eh bien, je suis né au Japon, mais ma famille a déménagé en France lorsque j’avais 9 ans. Je suis rentré au Japon il y a 10 ans et j'avais des amis avec qui je participais à de nombreux événements, notamment en tant que DJ. Tokyo est une ville vivante 24 heures sur 24 alors, vous savez, cela a été mon mode de vie pendant quelques années… Et puis, j'ai commencé à me demander si je pouvais vraiment vivre ici sachant que la ville est très effervescente… C’est une chose quand on a 18 ans, mais à l’époque, j’avais 33 ans… j’étais à la limite de ce que je pouvais supporter. Et alors, quand un de mes collègues m’a invité à Minakami, je me suis dit : « Wow, cet endroit est incroyable ». C'est le moment où j’en suis tombé amoureux. Et ce qui est intéressant, c’est qu’au Japon, il n’y a pas vraiment de personne qui s’établie à la campagne comme dans la culture occidentale… C’est très limité. Lorsque les gens sont à la campagne, ils ont tendance à se trouver près des maisons de leurs voisins. Les endroits les plus populaires auront des restaurants, des centres commerciaux, etc.

Pourquoi donc?

Je n’en suis pas tout à fait sûr. Je pense que c’est une question de société japonaise qui croit en l’harmonie et au respect des règles. Peut-être que c'est aussi une question de commodité. La ville de Minakami a été développé il y a de cela 40 ans. Elle a été principalement développée par des étrangers et des Japonais qui vivaient dans le monde entier et qui voulaient développer une région sauvage, loin de tout. Il est très difficile de trouver ce genre d’endroit. Donc, quand je l’ai vu, je ne pouvais pas croire que ça existait réellement. Ce qui peut être intéressant à propos du Japon c’est que la population est en train de diminuer. Si vous allez à la campagne, il y a de moins en moins de monde. Donc, les prix de l'immobilier sont vraiment bon marché. Vous pouvez obtenir une maison à la campagne pour 10 000 $.

Vraiment? Même si proche de Tokyo?

Oui, ou même plus proche. Le gouvernement tente d’encourager les Japonais à quitter Tokyo, mais tout le monde s’installe dans cette ville car c’est là que se trouvent tous les emplois. En Europe, je ne pourrais pas me permettre une place en montagne, mais au Japon, c’est très abordable. C’est l’une des beautés de ce pays.

C’est assez fascinant que nous puissions vous retrouver tard dans la nuit dans un club comme dans la nature, sur les pistes. Est-ce que l'arrière-pays et le clubbing ont quelque chose en commun pour vous?

Oui… Je pense que lorsque vous êtes DJ, vous pouvez atteindre un point où vous êtes complètement en phase avec la musique et tous ceux qui dansent dans la pièce. Cela peut être un peu similaire à l'état dans lequel vous entrez lorsque vous êtes dans les montagnes… Je lisais récemment un livre intitulé Stealing Fire, qui vient de Silicon Valley. C’est au sujet de comment les psychotropes, la méditation et les sports comme la planche à neige peuvent vous faire entrer dans un état où vous ne dépendez plus de votre conscience mais de vos fonctions subconscientes. Votre cerveau vous permet de détecter un éventail beaucoup plus large de choses qui vous entourent et peut conduire à une réelle créativité. Il est possible d’entrer dans ce type d’espace lorsque vous êtes dans un club…

Vous voyez-vous évoluer à travers l’hiver? Cela fait-il partie de votre identité?

Absolument. Mon objectif personnel pour les cinq prochaines années est de pouvoir passer plus de temps à l’extérieur en hiver. J’aurais Tokyo comme base, je passerais mes hivers dans l’arrière-pays et travaillerais en Europe l’été.

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